Exercices de
remerciement.
Merci aux logorrhéiques de m’avoir appris que la langue peut être le principal obstacle à la parole.
Merci aux éditeurs de m’avoir rabâché que mes écrits ne répondaient pas à l’esprit de leur maison. Heureusement.
Merci à Monsieur Polaroïd de me permettre de plaquer ton sourire sur mon cœur.
Merci au médecin qui m’empoisonne pour prévenir le pire.
Merci à Dieu d’avoir créé la femme. Ce fut un bon placement de bourse.
Merci aux vrais peintres de me dévoiler leur for intérieur. Merci aux vrais forts de ne pas dévoiler leurs peintures intérieures.
Merci aux partisans de l’égalité de me permettre d’espérer qu’un nuisible sur deux sera bientôt une femme.
Merci aux partisans du « dessein intelligent » (intelligent design dans le texte) de me rappeler que le singe est l’avenir de l’homme et pas le contraire.
Merci au Vatican de rappeler que l’abstinence est aussi efficace contre le sexe que le jeûne contre la faim. Mais pour la faim de sexe, que dois-je faire ?
Merci aux roberts de m’abreuver du lait de la luxure. Merci à la rousse de me souffler dans l’œil ses graines de désir.
Merci au bidouilleur d’informatique de ponctuer chacune de mes questions d’un « ah ça ! c’est hyper facile » et de me le prouver illico par l’installation d’un merdier hyper compliqué.
Merci aux sondeurs et sondeuses de me poser des questions auxquelles je ne puis que répondre « je ne sais pas ». Les rares réponses que je peux leur fournir n’entrent dans aucune de leurs cases : « je ne sais pas où la mettre, on va mettre je ne sais pas ». Quel plaisir de repousser les limites de l’ignorance !
Merci à la musique quand elle s’arrête au restaurant.
Merci aux anniversaires de marteler à jour fixe l’échéance de la mort.
Merci à l’insondable mystère du sexe de la femme.
Merci aux portables de propager leur bruit de fond.
Merci au journaliste qui pose sa deuxième question avant que j’aie entamé ma première réponse : j’allais oublier que la vitesse est le premier critère de l’information.
Merci aux rares fomenteurs de minuscules rencontres de ne pas baisser les bras.
Merci aux perles rares qui mettent sans le savoir un peu de lumière et d’eau dans notre coquille.
Merci à celui qui m’expliquera avec suffisamment de sérieux et de certitude les méandres de l’économie mondiale.
Merci au libéralisme de me montrer que le gaspillage est l’essence de l’économie.
Merci à la poésie de me montrer que l’économie est le moteur de la langue.
etc.
[S'entraîner à remercier est un salutaire entraînement... N'hésitez pas à me soumettre vos remerciements. ]
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