Poème de toilettes. Définition.

J’écris de temps à autre des poèmes de toilettes. Celui-ci en est un.

Voulez-vous savoir ce qu’est un poème de toilettes ?

Un poème de toilettes est un poème composé dans les toilettes le temps d’une visite.

Le premier vers est composé dans votre tête pendant le premier effort de votre visite.

Il est transcrit sur le papier pendant le répit qui vous permet de reprendre votre souffle après l’effort. Et ainsi de suite.

Il ne faut pas transcrire pendant l’effort. Il ne faut pas composer pendant le répit.

Le dernier vers du poème est transcrit sur le seuil des toilettes après avoir tiré la chasse.

 

Poème de toilettes. 1 janvier 2009.

Dans un faitout on fait pas tout

Dans un lit on fait des choses

Dans les toilettes on fait

Dans la ville on fait attention

Dans la vie on fait ce qu’on peut  

 

Poème de toilettes. 2 janvier 2009

Sous un toit on se sent pleinement soi

Sous une toile on s’emplit d’images

Sous les toiles on fait le plein d’obscurité

Sous les étoiles on se sent immensément petit

Dans les toilettes on fait le vide 

 

Poème de toilettes. 2 février 2009.

Par ce froid j’aimerais tester

« le chauffé siège Toto avec oscillant lavement et pulsant vaporisateur »

Mais dans mes toilettes de campagne il n’y a ni eau courante ni électricité

Serait-ce bien raisonnable tous ces frais ?

 

Poème de toilettes. 5 février 2009

Les portes des toilettes de jardin avaient des découpes de carte pour jouer avec la lune

Comme les maisons ont des carreaux pour jouer avec la pluie

Comme les paupières ont des cils pour jouer avec le coeur

Comme les mains ont des doigts pour enfoncer les piques

Et comme les lapins ont des dents pour grignoter le trèfle

 

Poème de toilettes. 6 février 2009

Quand je n’ai pas de communication urgente avec le Vatican

Ou que je ne m’allège du poids de mes péchés dans un confessionnal

C’est dans l’évêché que je médite le dicton auvergnat un chou c’est un chou

 

 

Poème de toilettes. 28 février 2009.

Oups tout juste com-

Mencé aussitôt fini

Ce petit haiku.

 

Poème de toilettes 7 mars 2009

Pendant qu’il fait ça  au moins il ne fait pas de plus grosses bêtises

 

Poème de toilettes. 14 avril 2009.

Au lieu de relire le programme de télé

Au lieu de feuilleter le catalogue des trois redoutables suisses

Au lieu de regarder le bouquin de photos

Au lieu de s’oublier dans une publicité

Au lieu de se tourner les pouces

Lever sur le papier les digues qui empêchent

La pensée et le monde de tomber en poussière. 

 

Poème de toilettes. 1 mai 2009

Quand on saura transformer en éclairage et en chaleur

Les innombrables efforts intimes qu’on fait ici

Par un procédé simple de captation des flux et des reflux

Sur le modèle de l’usine marémotrice de la Transe

Ou celui de l’usine atomique de Fesses j’aime

On aura fait un grand pas sur le chemin de l’anti-gaspillage

Chieurs de tous les pays, unissez-vous !

 

Poème de toilettes 8 mai 2009

J’aime pas trop m’expliquer

Surtout là

Dans ce moment délicat.

 

Poème de toilettes. 9 mai 2009

Les prés les cieux  collés c’est précieux

Les edits les cules  accolés c’est ridicule.

Mais les précieux édicules ç’a a une gueule pas possible de vieux Don Juan

Troussant dans des recoins une foule de femmes savantes

 

Poème de toilettes 10 juillet 2009

Je sais que certains disent qu’on n’a pas le droit de tout dire dans un poème

Pourquoi n’aurait-on pas le droit de dire que dans les toilettes parfois on se fait du bien

De mille et une manières que je n’ai pas besoin de décrire

Pour compenser tous les moments où le ventre fait mal, où tout le reste  va de travers

Pourquoi n’aurait-on pas le droit de dire qu’on tripote là, avec plaisir, des seins, des fesses, des creux, des bosses que les Tartuffes ne sauraient voir,

Censeurs qui disent que dans les poèmes on ne peut pas tout dire

Et qui dans les toilettes font comme tout le monde ce qu’on n’a pas le droit de dire dans des poèmes.

 

Poème de toilettes 14 juillet 2009

Est-ce bien normal d’écrire, ici, ainsi

alors que les troupes descendent les champs javellisés sous l’œil connaisseur des pigeons rompus au combat de rue

et que des japonaises en socquette blanche sautillent sur les trottoirs provoquant l’émoi des chiens errants

et de celui qui écrivant ici ainsi mériterait le titre de mauvais patriote légèrement vicieux

 

Poème de toilettes. 21 juillet 2009.

Pendant que je me concentre, là, maintenant

Les moissonneurs continuent de moissonner

Les coureurs du Tour continuent de pédaler

Et la lune continue de porter les traces des chaussures

De ceux qui y ont débarqué il y a tout juste quarante ans

Période durant laquelle je me concentrais

Dans la poussière des moissons en train de se faire

Sur la recherche de quelque lune adolescente

Collines du trouble vallon de la sérénité 

Qui n’a laissé sur le sol de ma mémoire

Que la vague trace olfactive d’un bouquet fané

 

 

G.C.