tous les jours
Marguerite Duras, Le square
à Juliette, ma petite grand-mère,
et l'eau froide de sa vaisselle
pour Gérald, semper
avoir usé assez de draps pour partir dans les nuages (peut-être pleuvra-t-il demain
et l’odeur de la terre et la couleur du temps sur la campagne après l’orage
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la mousse sur les bordures de ciment la terre froide humide la petite musique du piano lointaine l'autre moi sous le ciel gris la joue contre la vitre l'air glacial du dehors à travers la vieille porte de la cuisine et le radiateur en fonte bouillant la mousse sur les bordures de ciment
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écouter tomber la pluie comme on casse la vaisselle le même frémissement toujours des arbres entre la fenêtre et le cimes
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et me laisser ravir par l’éclat sur le mur la peinture qui s’écaille sentir la poussière couler en moi comme lumière sève à l’envers me respirer poussière
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la nuit venue regarder au ciel mourir les étoiles il y a tant d’années et se savoir passer sereine certitude
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prendre à nouveau le temps de compter les étoiles – ce n’est pas jeu d’enfant mais comme celui à qui le langage a appris (a permis de comprendre) qu’il était de passage la nuit très grande sur la campagne
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réapprendre en attendant l’orage (la terre qui gronde, l’urgence du travail) sentir monter de nulle à nulle part la parole sans âge et laisser ma chair se dissoudre en ces mots
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nager à la surface des choses à la rencontre de la lumière tracer la voie où se laisser disparaître écrire le passage, l’effacer accepter de pouvoir se perdre ne pas en aimer moins pourtant
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écouter Bach sur la route et pleurer de se savoir vivre, mourir
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redéfinir le retour des saisons écrire encore (ne pas oublier) le cœur de lumière de nos amours passés
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retrouver au quotidien le chemin du large, le sillage de notre passage chemins de traverse, allées et contre-allées, chemins couverts, et bien plus haut...
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et se réveiller soudain dans les draps d'un mort un grand verre d'eau froide et pure le pot de terre que des générations ne parviennent à dissoudre, la vaisselle cassée pourtant, et celle dans laquelle on mange encore
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réapprendre la douceur de vivre avec nos morts
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éplucher des légumes à défaut de tresser des mots dresser les uns contre les autres et y trouver encore le suc de quelques poèmes
François COUDRAY