SONNETS JOUETS.
Ce sonnet de sonnets est composé en alexandrins jouetiens maximaux (voir la définition sur le site de l'OULIPO).
·
NUIT ·
1.1
Alchémille…
1.2
bouche bée…
1.3
bulles d’air…
1.4
Archétype…
trouve
ton calepin ouvre la page
de
garde
qui crisse puis s’affale
cherche la
feuille
blanche là qui offre sa face
vide
vierge
de trace c’est
seulement celle-là
faible
fille de rien que cette plume touche
effleure
comme quand
elle chante
Dieu
l’encre
dessine de fines pattes de mouche
serpente
tombe fait
tache de mille feux
les
signes filent leur lente quête fortuite
ligne
de fuite saut
course d’aveuglement
ratures
d’ombre tas d’adresses
contredites
trouvailles
rares
puis fosses
d’effondrement
rature
pèse lis
brise les formes dures
chaque
poème clos intime
moucheture
bouche
bée
fines
griffures sur
belle feuille
vergée
ligne
de fuite rets
veines de cendre nuit
piège
contre néant défense
contre bruit
manière
d’être soi grotte sourde
margée
les
verbes fouillent puis sondent l’ombre gorgée
de
nixes d’elfes
blonds spectres
masses de buis
âmes
défuntes car
écrire
force l’huis
des
chambres closes des vieilles urnes rangées
je
compte chaque pied fixe
le nombre juste
ajuste
chaque vers vise la
ligne fruste
la
rime stricte
loi mâle
contre
jupon
autre
contrainte la
césure centre page
nulle
chute nul bec la règle
règne
gage
d’une
métrique qui
tourne ronronne
rond
bulles d’air
lance
quatorze dés belles bulles
de suie
gloses
de mètre pair glaces
proses d’azur
rimes
d’ongle poli bustes
de marbre dur
strophes
de quatre plis Survienne cette pluie
bruine
fine sur la terre
vieille toupie
elle
s’ouvre s’emplit
gonfle sa
panse
pur
rêve
d’enfantement revanche
prise
sur
l’amère
sèche mort mante dure
d’ouïe
comme
balles les mots charges brutes
de sons
masses
rouges d’effroi passent claquent
au front
laissent
l’oreille dans une sorte de poudre
veille
dans l’ombre la plume
tige de
feu
elle
vise poursuit
les quatre
cibles nœud
une
passe deux trois quatre déclenche foudre
fille
d’un cygne blanc d’une femme perdue
Hélène
devenue reine
de Sparte
qu’on
enlève
brusquement belle captive
due
victime
d’une joute entre garces
fécond
germe
d’une saga d’une guerre
cruelle
qu’Homère
barde rédige
chante
pas las
Hécube
reine vit une torche
mortelle
annonce
sûre de
Pergame prise
là
surprise
même ruse d’Ulysse
La reine
elle
reprise ( las ! )
La ville brûle
les
captives
pleurent terrible gêne Païenne
Iliade
ferme chant
drame qui
ouvre
les
portes
de cette nuit peinture teinte
drôle
charme
lune défaite arme blanche parole
[il
avait appris l’écriture très tard…]
o
ESPACE o
[ en jouant, enfant pataugeant dans la
boue…]
2.1
Aphoristique…
2.2
bénédictin…
2.3
balbutiements…
2.4
Agglutiner…
pierre
qui roule fait mouche contre la hune
poule
qui couve n’est que
triste
bâillement
vive
la jeune laie fonce montre sa
lune
ivre
le coquelet chante
lugubrement
chiennes
se lèchent quand cuve l’amante nue
malaise
couve quand la neige tombe
droit
chatte
s’agite quand vaches meuglent aux nues
crainte
sournoise naît quand guerre frappe
froid
corneilles
volent bas toutes ailes sorties
bouche
close dessin
masse sorcière glas
abeilles
prennent le voile noires
pythies
frousse
fige la main brise
l’extase
ras
proverbes
disent faux présages bouffent foie
ivresse
sexe joie
ouvrent plus belle voie
même
s’il semble pas
chaque parcelle
d’air
recèle
quatre « E » quatre fois chaque ligne
césure
lourde gong double battement digne
qui
claque chaque vers
comme fesse
de chair
nulle
licence là nulle valse
c’est clair
la
règle seulement dure froide
J’aligne
force
voyelles je recherche
cette guigne
où
rime cogne fort
l’enveloppe du
vers
pratique
d’autre temps Ecrire
cette forme
est-ce
possible là ?
J’épouse cette norme
cette
règle de fer code
classique
pur
contrainte
forte quand elle compte sauvage
muettes
naines petites dames
de nage
cales
secrètes
jeu
crâne contre le mur
balbutiements
la
rousse face moi moite
tunique
toi
muette
sage loin Elle
danse barbare
seule
puis groupe sur la scène dare-dare
piaffent
voltent chevaux belles cavales
poids
de
celles minces qui montent
se tiennent droit
par-dessous
claque bleu gigue gavotte rare
périple
triple bond culotte noire
phare
d’Ulysse
pleine mer Gorge
de cire trois
femmes
fatales qui bougent soufflent s’allongent
repartent
brusquement. La fine
brune songe
qu’une
voile n’est rien qu’elle
brasse du
vent
vaste
ventre d’où sourd cette sublime dense
profonde
claque basique
musique danse
qui
m’ouvre largement me
laisse
pantelant
avale-t-elle
tout vite
feuilles velues
fleuves
de sève d’or verre
d’huile de noix
verges
droites mandrins
fines pailles tordues
jeunes
tiges menues
vieilles poutres de bois
ou
goûte-t-elle mieux moules de femme faite
fesses
de gousse culs fentes glabres de vierge
molles
collines jus caresses
double fête
délices
goules extases saintes
sans cierge
elle
mêle plutôt sexe
grâce plaisir
décence
fougue paix paresse
troubles plaies
cuisses
lombes jupons luxe
tresses désir
fermes
collines pals
lances profondes baies
quelle
bouche pourrait faire
telles prouesses
dire
son titre c’est
faire mille promesses
[ il lançait quelques plumes sur le
sentier…]
[ souvenir d’un très ancien jardin
perdu…]
3.1
craquement d’automne…
3.2
cosmologie brève…
3.3
Directement cru…
je
bêche
trime dur
trouble l’ordre terrien
pelouse
rase là légumes plantes
belle
planche
rectangle là Entre parcelles frêle
bretelle
d’herbe
sur laquelle
posent bien
bottes
sandales pieds
Comme l’ange gardien
d’Eve
je veille que graine vienne cruelle
grasse
limace ne laisse
sale séquelle
aucune
bête
casse écrase brise
rien
au
centre justement s’ouvrent les pâles roses
leur
fine tige telle
une fragile chose
tremble
Le moindre vent les couche
Pantelant
elles
disent dans un souffle belles
écloses
mortes
le lendemain pauvres lèvres
moroses
vous
êtes comme nous
veules âmes au vent
cosmologie
brève
pâles
étoiles
qui fûtes vives
jadis
quelle
cruelle mort quelle
noire fortune
dûtes
vous soutenir fîtes-vous
tristes lunes
lente
passe dans l’air
brusque chute de
lit
ancienne
reine bergère
pute
lady
poète
maigre star mousse prince
des dunes
pointe
de dague flic
jeunes pucelles brunes
perles
sujettes
à
fièvre du samedi
j’ignore
votre nom votre carrière quelle
culture
large vous eûtes
nulle rebelle
j’admire
seulement
votre belle lueur
broderie
blanche sur l’espace sombre flamme
fragile
cliquetant braise fine qui clame
Frères votre destin calme notre terreur …
dans
l’aube calme les
merles sifflent
Je vois
sur
l’herbe rase la vive lumière jaune
tiède
couche de miel sève secrète
Moi,
je
note cette paix bottes de paille
cônes
des
arbres buttes des terres
hautes
Cul sur
tête
la rouge brouette semble bien veuve
Rondes
bosses les deux fesses d’Alice pur
prodige
culte blanc jaillissent
terre neuve
elle
pisse
j’entends la courbe ligne d’eau
entre
ses cuisses son geste prude
son rire
elle
se lève Fin
d’acte
Jupe
Rideau
La
suite ? Trilles main
fouille dans tirelire
belles
matines
dans cette nature
temps
comble
ventres repus angelots
voletant
[sur le jardin éclate l’aube d’été…]
[il
regarde les passantes inconnues…]
4.1
exactement cela…
4.2
exploration baroque…
4.3
Dubitativement…
j’aime
les peintres tous maîtres des femmes nues
frises
païennes murs
fresques peintes à chaud
bacchantes
voiles haut nuque blanche
rehaut
de
poudre jaune clair
belles filles menues
ou
même fortes chairs dormeuses très charnues
poses
peu chastes (les cuisses mêlent leur peau)
comme
dans l’ombre luit
Diane (vierge) dans l’eau
brousse
toute bouclée extase contenue
j’aime
les femmes dont les tresses rousses tombent
la
fente mousse dru
les rondes fesses bombent
l’aise
creuse du lit
lèvres pulpeuses
fruit
rose
rouge selon épaules douces dunes
hanches
comme des tours chattes blondes ou brunes
qu’on
mange suce boit pêches
prunes biscuit
sainte
Thérèse
tu ouvres la bouche tu
te
livres toute paupières closes pâmée
violente
courbe par
l’extase soulevée
linges
désordre cri
transe souffle fétu
de
marbre blanche proie
de l’ange chevelu
scène
baroque dans une claire travée
calme
de l’âme paix grande femme rêvée
sainte
d’Espagne qui brise
toute vertu
démesure
des sens comme l’heureuse Louise
même
délice de perte chute
hantise
d’anges
d’au-delà comme
Cécile qui dort
petite
morte dans cette cuve patronne
martyre
vierge musique pure qui sonne
pucelles
toutes de Rome
riches trésors
Thérèse (Bernin) /
Louise : bienheureuse Ludovica Albertoni (Bernin)/ Cécile
(Stefano Maderno)
aimante sûrement
elle mène sa barque
brune
lente main douce
et tête relevée
elle touche mon
cou ce simple geste m’arque
frôlement retenu
prise de femme fée
elle quitte
son haut
faible déhanchement
sa robe glisse
sur sa douce fente nue
ma plume tremble
fort
j’ose l’enjambement
cette sorte de
jeu leste (quelle cohue)
où faille trime
dur car
sexes chantent
leur
large suite
d’arias notes pleines de brume
germes de perle
dans laitance d’huître
fleur
brise de serre
noire effluve
sure prune
cesseront-elles
ces passes échevelées
quand l’heure
sonnera des âmes nivelées ?
[
il écrivit le mirage, la fin de… ]
· AUBE ·
Gérald Castéras
fin août 2008