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On ne sait jamais, embrassons-nous.
(extraits,
2006-2007)
Germain
Rœsz
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Moi aussi
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Est fait de seuils, de
passages, de copeaux, de fragments. Un tout qui n’est jamais qu’épars.
Une bière me lèche les
babines, mousse blanche. La mort lape le reste de temps.
; m’est d’avis que ….
(…)
; Enlaçons-nous, on ne sait
jamais. Dans un lit blanc un couple nu nage dans le bonheur. Dehors l’orage
fait rage. L’amour isole du monde et rapproche les êtres. L’amour est un déséquilibre
croissant.
La pluie
dure froide
ET
les lames qui scintillent
ET
dans la flaque huileuse
ET
le soleil
caressant
caressé
ET
les feuilles rouges qui
jonchent
les
allées du parc
ET
le banc du parc
ET
L’adolescent qui gratte sa
guitare
ET
La femme vite qui remonte
son col
C’est ainsi
la
déambulation
avec jambe malade
avec dos voûté et bras
pesants
C’est ainsi
malgré
tout
que
s’absorbe la vie
C’est ainsi
L’émotion si muette.
Sous la cendre
de
la cendre
et le monde gèle
Sous la cendre
la cendre
et le feu mort
depuis
longtemps
J’y marche j’y cours et
me couvre d’un manteau gris
La poussière autour de moi
fait comme un brouillard
Une femme vêtue de noir en
émerge me tend la main me transforme en poussière
Il ne reste de moi qu’un
manteau de cendres
Une femme y marche et fait
autour d’elle un brouillard
Elle attend la nuit.
Et si je me mettais à
peindre des bouquets de fleurs ?
D’où nous viennent les
mots ? D’où nous viennent les idées ?
Je les écris. Je les vois
sur ma feuille. Je les pense dans ma tête. Je les vois naître du bout de ma
plume. Je les vois grincer dans le stylo froid du matin. Je les vois s’égrener
sur l’écran liquide de mon portable.
Mon stylo n’a pas de mot
en lui-même. Ma main qui se saisit des mots n’a pas de mot en elle-même. Et
pourtant quand elle saisit une cruche ma tête dit cruche, ma voix dit cruche,
ma langue se réjouit d’avance.
L’eau à la bouche.
L’eau dans la cruche.
J’ai sûrement un lieu, en
moi, où les mots ont pris corps
; où les mots ont fait mon
corps
; où les mots font le mort
; où les mots campent sur
leurs positions
; où les mots se font la
guerre
; où les mots de naguère
; où les mots tancent les
mots
Moi aussi j’ai sûrement
un lieu en moi
Moi aussi j’ai mal au dos
Moi aussi j’ai des
vertiges
Moi aussi j’ai mal à la tête
Moi aussi j’ai des démangeaisons
Moi aussi j’ai des pieds
douloureux
Moi aussi j’ai le matin le
réveil douloureux
Moi aussi j’ai des rêves
impossibles
Moi aussi parfois je ne dors
pas
Moi aussi j’ai des accès
de colère
Moi aussi j’ai des moments
de doute
Moi aussi je perds mes clefs
Moi aussi je travaille mal
Moi aussi je fatigue
Moi aussi je me promène
Moi aussi je rumine des idées
noires
Moi aussi je ruse
Moi aussi je mens
Moi aussi je m’alimente
n’importe comment
Moi aussi j’ai des
positions politiques
Moi aussi je bois du rouge
Moi aussi je bois aussi du
blanc
Moi aussi j’ai une préférence
pour la couleur rouge
Moi aussi j’ai des
pulsions de tendresse
Moi aussi j’ai la chair de
poule
Moi aussi j’ai des problèmes
de vue
Moi aussi j’ai parfois mal
au cœur
Moi aussi j’ai des envies
irrépressibles
Moi aussi j’ai une
sexualité simple
Moi aussi j’ai une
sexualité complexe
Moi aussi j’ai une copine
Moi aussi j’ai un
sentiment de solitude
Moi aussi je déteste les
carottes
Moi aussi je suis naïf
Moi aussi je suis peureux
Moi aussi je m’emballe
pour un rien