Dans la rue
(poèmes urbains)
Jean Paul HONORÉ
SORTIE vers
ATTENTION la porte SANS ISSUE
Dehors
il traverse en polo rayé de poisson-clown
se glisse entre comme des rocs
(l’aquarium de lumière est plein le pare-brise)
devant le magasin de fleurs
l’embrasse deux fois plus grand elle
lève la tête pour encore cet oxygène
noyée bord du trottoir avec
un pot d’algues dans les bras
Fin d’été au bord de la mer
(non pourtant rien à voir alors pourquoi)
PROPRIETE PRIVEE la grille verte derrière
les poubelles (on entend vaguement
un cri) SUPERMARCHÉ le bus
démarre à droite PROGIREP sur rideaux rouges la haie
vieillit mais comme touffue pourtant (un oeuf
la Fiat Ibiza jaune) tout va trop vite
à présent alors que coincé tout à l’heure vers
la Seine et détaillant tiens celle qui
tend un chewing-gum à son chauffeur le grand black
dans la Citroën Prestige au pied
de la verre et béton CITE DE LA MODE ou la
Chinoise sévère qui ne m’a pas cédé
le centimètre au carrefour tout à coup libéré
vers la Place d’Italie tout va trop vite me disant
que je n’ai rien gagné à ce détour
Chopin il me semble très
beau Chopin très engagé
vous l’avez entendu (la fantaisie je ne sais quoi)
de la Gare du Nord à Denfert-Rochereau
écopé de deux mois et demi un contrôle positif à la cocaïne
lamentations des pompiers de Paris
on n’est pas tous les jours en état
d’insurrection charnelle
Dixit Dominus Vivaldi
Un poignet dessiné blanc d’une longueur incline
le délicat miroir reflète
l’oeil
un peu de côté son bord
en dessous effleuré par
le doigt élu de l’autre main
nez droit le profil net
tendu se concentre grande affaire
derrière la vitre
joli front de rousse à chevelure
tirée en vague vers
(trompette attention départ)
le sens inverse de la marche
dans un cadre RATP assise à droite
Disparaît le métro soupir caoutchouté
quelque chose Vermeer en bref
Dans l’air frais tous gaillards debout résolus
(derniers échos de Noël) la
méduse d’ampoules brille
à l’étal du poissonnier (et la robe d’écailles
de la mairie du Treizième) toujours
vont viennent visages sans dessin pourtant bien décidés
à (moi aussi) habiter ce tableau naïf
d’une rue de janvier
Eux les platanes
de mars (au ciel nuancé bleu lagon
lessivable Dulux Valentine) membres nus
sorte d’en caleçons de bain près
d’une piscine d’eau froide
petit matin (se rhabilleront
plus tard)
moi je suis personnellement contre la Création
(quelque chose de fichier revolving)
ces banquiers sans scrupules mais vous
quel est votre avis Isabelle
(moment de bonheur devant le pizza grill
et traversé par l’image de cette en pantalon monochrome
belle clownesque culotte vert pomme
de justement le 1er avril la fille black
ensoleille le passage clouté)
Cul dans le caniveau les gestes
du soulographe qui des choses à dire
(surveillance mains aux hanches
non sans curiosité cou tendu très
« n’arrêtent pas de nous surprendre »
trois flics impeccables chemises blanches)
voix en éboulis
de la moto Triumph à droite
Laisse-moi bosser merde le con
gueule et manoeuvre
klaxonne un livreur black
COSMOPOLITAN promet
563 choses que vous ne saviez pas encore
sur les garçons par exemple
A QUOI PENSENT-ILS QUAND
CE QU’ILS METTENT DANS
LA DERNIÈRE FOIS QUE
(ce ne sont que des exemples) et en bonus
50 PHRASES QUI PLAISENT AUX FILLES
dans le vent frais au pied
de la Nationale 15:10
(prochaine fois je moins en avance)
Entendu parler d’un volcan jusqu’à la stratosphère
(les avions cloués sur la carte d’Europe
mieux que des papillons) annonce
le retour d’un comique et que
j’aurais dû prendre le crédit à pour cent
(jusqu’à la fin du salon profitez-en)
Le soleil couchant dans peut-être oui
un halo de cendres je n’ai
jamais avec une jolie rousse
(encore un regret rêverie
sur les Islandaises)
Jamaïcain mais son disque ne sortira en France que dans un mois
MmmmmMmmmm MmmmmMmmmm (voix féminine) le
périf est blindé (une émission
où quelqu’un appelle pour dire
le périf est blindé)
Chaperon rouge blonde quoi
cinq ans pas plus
queue de cheval caracole
bouche ouverte salue
son moi dans la vitre noire
du palace
(dans longtemps plus tard se souviendra ce
petit manteau)
ELF S’ENGAGE VOUS OFFRIR L’ESSENTIEL
retour au fleuve et le pont
la même barque environnée d’âmes
verdure obstinée des platanes au loin
(m’y fait penser mais à quoi)
Suffit que je soudain et n’en vois plus des noms
Réveillez-vous
achetez
DOUNIA salon rose en cursives SUZANNE
de l’autocar enfants les excursions scolaires
THYSSENKRUPP (un couple s’embrasse puis
se recoiffe dans l’ascenseur)
CHO DING DUONG gentiane vermicelles sauces
brunes sang de lézard ISAMBERT
jette un chalut à pêcher les immeubles
MARGERIDE croissants petits lingot de beurre les pastilles
miel confiture et sentiment 9:38 d’une heure pour soi
(que peut-être même un oeuf dur au comptoir)
Roulez
SOULT recommande anticipez le piéton
souvent le gosse entre deux bagnoles et clignotant
rétrogradez (remarque elle a de beaux genoux)
DENTRESSANGE me double trente tonnes comme
boulet rouge
PIERRE PIERRET caisses de fruits
REVEILLEZ-VOUS
ACHETEZ
Roulez
Un matelas SULTAN DECAUX (on voit partout) GENTY
fait du fromage depuis CESAR (pizzeria)
VINCENT AURIOL se dirige vers TRUFFAUT
sème et plante CHALAVAN DUC transportent
LACOMBE a l’air de soigner
LALOYAU garde son mystère
Passe d’un air
(sur le sac en plastique)
de boîter un peu chiffonnée se
préoccupe le sac plastique violet
l’inscription dit (flétrie)
c’est quand on agit ensemble (se
balance et balance)
qu’on agit vraiment traverse seule
HOLLIDAY INN
Elle
pour tenir son
(la tête inclinée de pensive)
téléphone portable
de la main droite
sur la joue gauche
(caressée par la voix)
On dirait que j’ai une âme peut-être
le cheval noir sur blanc
du camion DEMECO ou bien
la vieille près du caniveau
plante sa canne et bien droite ou
as you like it the tempest met en scène
WILLIAM SHAKESPEARE ou la
légère sensation de mou
dans mes pneus
Il (cheveux roux de flamme et nattes
le polo noir jean très bleu pâle)
dort sur un banc comme
la tête au bord d’une chaloupe
de quelle Ithaque
n’entend que rêve
(sortilège) à la porte s’ouvre
la robe blanche disparaît
Jean-Paul Honoré
Novembre 2010, Paris