Yves Linard
6 textes
*
Pas de parole sans voix
de voix sans chair
de chair sans corps alors
que ta parole
de mienne à tienne
devienne corps à corps
c'est ça
voix
chair
corps
et qu'à cela ne tienne
*
Hannah Faure dis-moi les mots
qui violentent la violence
les mots sans voix singeant la grimace de l’homme supérieur
qui disent le silence définitif et minéral
les mots levain qui pétriraient la pâte à sculpter la mémoire
qui poseraient l’homme médian
les mots médoc à panser les mots plaies
Hannah Faure dis-moi les mots
qui sans la folie m’imbécileraient heureux
les mots jactance et pitance mêlées
les mots ferraille gelée gourdissant mon doigt plume
dis-moi les mots houspilleurs de vanité
les mots minutes au procès de la vie
*
ÇA
il y a comme on dit des choses qui vont
ou bien des choses qui ne vont pas
parce que les choses ça va ou ça ne va pas
elles n'ont pas de quoi marcher
elles n'ont pas de quoi aller
les choses
pourtant elles vont ou ne vont pas
c'est comme ça qu'elles vivent les choses
en allant ou en n'allant pas
des fois elles prennent le chemin qu'il faut
et elles vont
d’autre fois le chemin qu’il ne faut pas
mais elles vont quand même
alors on dit ça va
ou bien on dit ça ne va pas mais alors là pas du tout
les choses aiment bien vivre comme ça
le ça c'est général c'est démonstratif
et ça les choses elles aiment bien
car elles sont générales les choses
elles sont démonstratives
elles n'existent même que comme ÇA
*
Hannah Faure dit
quant à l'homme idéal c'est l'homme d'après l'homme
d'après l'argent
d'après la rapacité
d'après la jalousie
d'après la propriété
d'après le sous-marin à tête nucléaire
d'après l'abandon de soi à l'envie de faire mal
d'après l'enfant succombant à chaque lettre de son nom
d'après Saint-Valentin le maquereau
d'après Fillon prononcé fion
d'après…
idem pour la femme idéale
autant dire que d'Adam l'idéal garçon
on n'entrevoit le bout de la queue
pas plus que d'Ève les yeux
ni la pointe du têton
*
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j’ai subi hier toute la ville
que je n’ai pas arpentée et la grille
celle qui s’est ouverte sur l’école fermée
c’est toi qui remonte aussi loin pas moi
la neige et son goût d’eau durcie
la prof de français mon regard sur elle
une folle jalouse de ses craies de couleur
j’ai toujours pleuré après
tout seul
je me grossissais le cœur afin que des larmes
viennent et me bouffissent les joues
d’une peine goulûment jouée
la comédie de l’apitoiement sur soi
j’aimais ça
l’eau qui me tombait dessus
en était plus lourdement salée
du coin où je me cachais pour ce faire
j’en frissonnais des cervicales jusqu’à l’anus
*
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pourquoi ne peut-il pas la blairer
moteur de sentiment comme moteur de recherche
moteur de raison
la panne est toujours déjà-là machinalement possible
j’écris sans doigt vitesses automatiques
j’écris sans toi l’éclat d’écrire est faux
je peine à croasser ma joie
eux
ils croassent de joie dans du High Tech
technologie haute et riche
fabriquée avec des pinces à épiler tout ce qui dépasse
d’imparfait
mais le poil dans la main à oublier le futur résiste
s’apprête à faire mal à repousser dru dans leurs mains
ou bien eux
ils croassent pour un dieu jean-foutre éternel
détester double aimer en pleine côte
et advienne qui plongera de côté le premier
pour éviter le crash
oublie de me détester oublie de m’aimer
sauve-toi d’abord et double
d’abord et double sauf toi